le livre lu

Publié le par tedycorteux

Collé sur la porte un jeu de mot : impôt sur la morte. De l’autre côté, oreille collée : un silence blanc. Un silence aussi sonore qu’un vent dispersant des cendres. L’imposition des mains permet d’ouvrir la porte.

Toutes les saisons, les fragrances, en pleine figure, à l’effraction.

Appeler comme on épèle un nom oublié en détachant chaque syllabe creusée alors par le vide.

D’autres jeux de mot dans l’escalier – l’escale y est précaire – quand celui-ci s’effondre en poussière, et pousse hier dans le chaos des choses muettes.

Dans le papayer le percepteur attend : vous avez mangué à tous vos devoirs, vous allez devoir payer.

Dans le lit défait l’absence foudroyante du corps du délit. Les mots fous agités ne sachant plus où porter les messages, les mets empoisonnés. Il faudrait trier, mais par où commencer ?

« impôt sur la morte », et la morte dans le pot, sous la pierre nue et simple, la mort simple.

Des pages d’écriture, des centaines de bibelots, des robes, des manteaux, des bijoux anciens, des milliers de livres, des tapis, des vitrines, des photographies de lointains parents, d’enfants qui n’en sont plus, une robe de chambre confortable dans laquelle on la voit toujours, dans la cuisine, devant la corde à linge, dans sa pièce retirée dessinant des cartes du ciel pour rester en contact avec les constellations amies qui ne viennent plus la visiter, des livres, encore, toujours, des livres, des livres annotés, froissés, jaunis, des livres lus et relus….

 

 

La couverture du livre, sur la table de chevet, impossible à décrire. Ce livre inachevé… impossible à lire, ou alors sous le manteau de la cheminée, en cendres ? Les années floconneuses crépitent au carreau de la chambre, la raison d’être échappe et la présence du néant envahit tout, comble tout, diluant d’une eau légère les couleurs du présent. A quoi rêve-t-elle si elle rêve ? Aquarelle de l’eau sans mémoire, les mères silencieuses endormies au comptoir sans escompte. Un enfant tourne sur son tricycle autour de la margelle, et dans la marge, comme des graviers explosés, des mots giclent en dehors du cercle, là où elle s’est fondue dans l’étoffe du jour. La main arrange un bouquet de jonquille, la main cueille des violettes qu’elle plongera dans le sirop de sucre frémissant. Dedans, dehors, il n’y a plus. J’ai beau retourner, ici, même le temps n’a plus d’avant ni d’apprêt. Etoffe effilochée, couverture transpercée par la nuit qui n’est pas la nuit ni le jour assombri, mais la toile même où s’inscrivent, s’agitent, puis s’effacent les ombres. Quelle rémanence traquer ? Quelle réminiscence future accorder avec tant d’impuissance à figurer ?

A nouveau devant la porte plus close qu’une tombe.

Le livre s’est encore éloigné, je n’arrive pas à lire. Le silence s’échappe en vagues sourdes et noie une à une les images qui ne parviennent pas à s’embarquer dans la conque des mots.

Sans image, le saut. Le sot qui se prétendait mage.

Et l’eau fuit par le seau percé jusqu’à la rivière de l’oubli. Je n’oublie pas. J’emprunte à la sentinelle sa lampe tempête, au gardien de phare sa lanterne qui tourne et tourne, et tourne.

Publié dans littérature

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